Je cherche le nom du collaborateur ayant rédigé des pages de l'Encyclopédie méthodique

Bonjour,

Le vocabulaire de l'art de la danse est extrait de trois ouvrages : le traité de M. RAMEAU, celui de M. CAHUSAC sur la danse ancienne et moderne et les lettres de M. NOVERRE comme indiqué dans l'avertissement de l'Encyclopédie méthodique.

Les articles de l'encyclopédie méthodique ont semble-t-il été rédigés principalement par Louis de Cahusac et probablement aussi par l'équipe de rédacteurs de M. de Jaucourt.

Nous vous laissons consulter l'article de Laura NAUDEIX « Dans l’atelier d’un auteur : les apports de l’hypertexte numérique à la lecture des écrits sur la danse de Louis de Cahusac », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, 2022/1 (n° 57), p. 245-259 dont voici un extrait :

Louis de Cahusac (1706-1759), est surtout connu aujourd’hui comme l’un des principaux librettistes de Rameau. Il est également l’un des rédacteurs associés à l’Encyclopédie, dont le projet a débuté en 1746, et cité à ce titre par D’Alembert dans le « Discours préliminaire » paru dans le premier tome en 1751 :

"M. de Cahusac, de l’Académie des belles-lettres de Montauban, auteur de Zénéïde, que le public revoit et applaudit si souvent sur la scène française, des Fêtes de l’amour et de l’hymen, et de plusieurs autres ouvrages qui ont eu beaucoup de succès sur le théâtre lyrique, nous a donné les articles BALLET [tome II], DANSE [tome IV], OPÉRA [non publié], DÉCORATION [tome IV], et plusieurs autres moins considérables qui se rapportent à ces quatre principaux ; nous aurons soin de désigner chacun de ceux que nous lui devons. On trouvera dans le second volume l’article BALLET, qu’il a rempli de recherches curieuses et d’observations importantes. Nous espérons qu’on verra dans toute son étendue l’étude approfondie et raisonnée qu’il a faite du théâtre lyrique."

La lettre majuscule « B. » qui lui est attribuée pour signature témoignerait d’une appartenance précoce au projet, mais indiquer que son premier article, BALLET, ne paraîtra que dans le tome II, signifierait au contraire que Cahusac a été associé tardivement. Le sous-article Académie royale de musique, de l’article de tête ACADÉMIE, au tome I, est vide et renvoie directement à OPÉRA, donnant donc la possibilité à Cahusac, qui s’intéresse au phénomène institutionnel, comme le montrent ses articles sur les artistes de l’Académie, ou sur le Concert Spirituel, de s’en charger plus tard. C’est donc vraisemblablement seulement en 1751 que Cahusac a été engagé, d’ailleurs ses premiers articles paraissent en 1752.

[...]

Nous avons regroupé la plupart des articles consacrés aux pas de danse sous le terme « orchestique » : le désignant apparaît de façon marginale dans l’Encyclopédie, mais il est au moins employé pour les articles BOURRÉE et BRANLE auxquels Cahusac a contribué. Après l’avoir loué pour son dédain de la partie purement technique de la danse – sans doute faisait-il allusion au seul traité –, Noverre attribue à Cahusac tout le contenu de ces articles, dans leur dimension à la fois historique et « mécanique » :

" Il eût été à souhaiter, Monsieur, que les Académiciens et le Corps même de l’Académie eussent fourni à l’Encyclopédie tous les articles qui concernent l’Art. Cet objet eût été mieux rempli par des Artistes éclairés que par Monsieur de Cahusac, la partie historique appartenait à ce dernier, mais la partie mécanique devait, ce me semble, appartenir de droit aux Danseurs […] "

Pourtant, certains articles sont confiés à plusieurs rédacteurs, avec Jean-Jacques Rousseau, lorsqu’ils comprennent ces descriptions très précises qui, en revanche, ne sont jamais signées. De fait, un autre auteur s’est chargé de la description des pas de danse, sur l’ensemble de la parution, de BALANCÉ (tome II, 1752) à TOMBÉ (tome XVI, 1765).

Sans doute est-ce Jaucourt, lui-même à la tête d’une petite équipe de rédacteurs, qui a pris le soin de compiler l’information. En effet, deux annotations (l’une à l’article CHASSÉ, l’autre à l’article TORDION), renvoient à une source dédoublée : le traité de Pierre Rameau, Le Maître à danser, publié en 1725, et les articles du Dictionnaire de Trévoux eux-mêmes tirés de ce livre. Le Dictionnaire universel françois et latin parut en 1704 et fut réédité tout au long du siècle : c’est dans la quatrième édition, en 1752, que les articles s’étoffèrent à partir du texte de Pierre Rameau, mort en 1748. Les longs développements de son manuel sont mis au format des articles plus cursifs, travail effectué par un excellent connaisseur de la matière .

Les rédacteurs de l’Encyclopédie semblent avoir utilisé le dictionnaire pour le travail d’élaboration de l’article, et le livre de Rameau pour des détails, voire certains pas. L’emprunt ne va d’ailleurs pas sans erreurs, mais l’analyse des modifications apportées au texte original excède nos compétences. Symptomatiquement, le Maître à danser est rebaptisé dans l’Encyclopédie « Traité de la chorégraphie », tandis que les articles de technique retenus sont uniquement consacrés aux pas, aux jambes et au bas du corps, et toute la seconde partie de son ouvrage, consacrée à la description des bras, est laissée de côté. Ce choix entre dans la perspective « graphique » prégnante dans l’Encyclopédie, comme le montre la longue analyse des systèmes de notation de l’article CHORÉGRAPHIE, produite par le dessinateur Louis-Jacques Goussier, accompagné de deux planches gravées par Jacques Renaud Bénard,  où il décrit minutieusement non seulement l’écriture élaborée par Raoul-Auger Feuillet, mais aussi celle, plus confidentielle, de Jean Favier, dont il possède, dit-il, le manuscrit. Dans les deux cas, il se passionne pour le rendu visuel de la notation, sans réellement entrer dans l’analyse du corps, du mouvement et de l’espace en trois dimensions.

Par ailleurs, le choix de ce traité entraîne une nouvelle dissonance avec la perspective de Cahusac : Pierre Rameau était spécialisé dans la formation des danseurs de ville, ce qui retentit sur son approche et sur ses définitions. Il précise, par exemple, à propos du « Fleuret » : « Il y a un autre pas que l’on appelle positivement fleuret, il se fait de deux manières différentes ; mais comme je ne l’ai trouvé dans aucune danse de Ville ; c’est ce qui fait que je n’en donnerai aucune explication. » Ce passage est repris dans le Dictionnaire de Trévoux, mais pas dans l’article de l’Encyclopédie… Rameau ajoute qu’il « réserve cette explication pour un autre volume, ce qui se trouvera dans la manière de faire tous les différents pas de Ballet », projet malheureusement resté lettre morte. Cahusac de son côté n’aborde jamais la « danse de ville » moderne, se consacrant aux danses historiques et, surtout, à la danse de théâtre. Mesurant ce manquement, Jaucourt utilise une autre ressource : le dictionnaire d’Antoine Furetière, paru en 1690, et ses révisions successives. Ainsi des articles CABRIOLE, en partie, ou même PAS, qui lui est entièrement emprunté. Pour d’autres pas de « ballet », tel l’entrechat, que Rameau se refuse à définir, et que Cahusac commente assez longuement, nous n’avons pas retrouvé toutes les sources utilisées. On notera enfin que ces articles comprennent parfois des renvois qui ne sont pas honorés.

Ce sont en tous cas ces failles dans la continuité du discours que pointe Noverre, lorsqu’il déplore que nul maître de ballet n’ait pris en charge la description de la danse dont parle, en réalité, un poète et surtout un librettiste assumé comme tel, Louis de Cahusac.

A lire aussi :

- Louis de Cahusac 1751/1757 Articles pour l’Encyclopédie / Édition de Laura Naudeix 2015 - Observatoire de la vie littéraire

- Noms des auteurs de la première édition de l'encyclopédie méthodique

Bonne journée.