Je souhaite avoir des explications sur un extrait du texte d'Adolphe de Chesnel
Question d'origine :
Bonjour,
Dans le "Dictionnaire des superstitions erreurs préjugés et traditions populaires" d'Adolphe de Chesnel, page 235,on peut lire ceci: "A une certaine époque, les femmes de Lyon furent possédées de l'envie de se détruire en se jetant dans le puits de cette ville".
Je n'ai jamais entendu parler de cette histoire... La connaissez-vous ? Pouvez vous apporter quelques précisions là-dessus ?
Merci !
Réponse du Guichet
La contagion est peut-être plus fantasmée que réelle et lorsque nous trouvons des cas de suicide chez les femmes, il s'agit d'ouvrières désespérée.
Bonjour,
Nous avons parcouru le Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés et traditions populaires ...d'Adolphe de Chesnel et n'avons pas trouvé de références fiables permettant d'abonder sa thèse. Peut-être faut-il voir dans ces propose une vision fantasmée du suicide collectif. En effet, dans l'ouvrage Suicide et conduites suicidaires. Aspects socio-culturels, épidémiologiques, prévention et traitement, Jacques Védrinne, Olivier Quénard et Dominique Weber rapportent :
avec l’introduction de la pensée scientifique, on va assister à une autre forme de causalité du suicide : ce n’est plus un destin individuel, mais la conséquence de phénomènes cosmiques ou climatiques : lunaison, taches solaires, saisons sont évoquées ; puis, l’intérêt scientifique se déplace pour trouver des causes anatomo-pathlogiques ; ainsi le fameux « status-thymicolymphaticus » découvert par Bartel en 1910 ; curieusement, toutes les autopsies de suicidés de cette époque viennent en confirmer la présence.
Pour ce qui est du suicide à Lyon, l'étude "La femme pauvre au XIXème siècle. Quels moyens de subsistance ont les femmes ? Travail Manuel, à domicile, à l'atelier, réformes à tenter », (Travail, genre et sociétés, 1999/1 (N° 1), p. 129-146) montre que les femmes ouvrières désespérées sont plus à même de se suicider:
Cet abandon de la femme, repoussée des écoles professionnelles, accablée par les charges et les douleurs de la maternité, conduit une foule d’ouvrières au vice ou au suicide. Pour n’en citer que quelques exemples, l’une d’elles se précipitait d’une fenêtre, parce que, dans une profonde misère, elle ne pouvait payer le terme échu de son loyer ; une autre s’empoisonnait, désespérée de n’avoir pas trouvé d’ouvrage ; une troisième s’asphyxiait après une maladie de quinze jours qui avait épuisé ses ressources.
Une orpheline, avec un panaris qui l’empêchait de gagner sa vie, tomba dans un dénuement complet, et alla frapper à la porte d’un hôpital, où on refusa de l’admettre. Rentrant chez elle le désespoir dans l’âme, elle se donna la mort en buvant un verre de vinaigre mêlé de poivre.
Une pauvre fille travaillait jour et nuit pour faire vivre une mère âgée, infirme et à demi-idiote ; mais sa santé s’affaiblit, le salaire devint insuffisant, l’ouvrage manqua : succombant sous sa lourde tâche, elle se donna la mort en disant : « Puisque ma vie lui est inutile, puisse au moins ma mort la faire entrer dans un établissement de charité. Il est à remarquer que presque tous les suicides de femmes ont pour cause la misère ou l’immoralité sociale ; pour me borner, je n’en citerai plus que deux exemples, empruntés encore à M. Brierre de Boismont qui étudia si scrupuleusement cette question douloureuse à Paris. Au moment de se donner la mort, dit-il, une de ces femmes écrivit : « J’ai fait mille démarches pour me procurer du travail ; je n’ai trouvé que des cœurs de marbre, ou des débauchés dont je n’ai pas voulu écouter les propositions infâmes. »
Une jeune fille d’une grande beauté, sur le point d’attenter à ses jours, laissa un écrit où elle annonçait qu’après avoir épuisé ses ressources elle avait engagé tous ses effets au Mont-de-Piété. « Il ne tenait qu’à moi, ajoutait-elle, d’avoir un magasin richement fourni ; j’aime mieux mourir honnête que de vivre en femme perdue».
Avant de rechercher les remèdes rationnels d’un mal aussi grave, il nous reste à examiner la condition des ouvrières qui, au nombre de plus de trois cent mille dans nos manufactures, ont un salaire moyen d’environ 1 franc par jour.
Alexandre Lacassagne dans l'étude Les suicides à Lyon (Bulletin de la Société d'anthropologie de Lyon, t.14, 1895. p. 100-113, consultable en ligne dans son intégralité via google livres) note une proportion plus importante de suicide chez les femmes célibataires par« submersion, poison ou précipitation ». Dans un même temps, ces chiffres ne démontrent nullement une « contagion » car comme le révèle cette étude, "A Lyon il y a 26,5 suicides pour cent mille habitants. En France, le rapport des suicides à celui des habitants est de 1 à 10 000, à Lyon, ce rapport est de 2,65" et Alexandra Lacassagne qu'à "Lyon la femme se suicide un peu moins que dans le reste de la France".
En guise de conclusion, nous n'avons pas trouvé de "contagion" de suicide à Lyon.
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