Question d'origine :
Bonjour, pourriez-vous retrouver une ou plusieurs citations de militaires de très haut rang déclarant (en substance) qu'ils préfèrent engager un combat avec une armée assez restreinte en nombre d'hommes pour autant que ce soit des hommes bien formés et entraînés plutôt qu'avec une armée bien plus supérieure en nombre mais dont les membres ne sont, en grande partie, que des "novices" ?
Je pencherais pour Napoléon ou un des ses maréchaux mais sans certitude. D'avance merci
Christian De Pooter
Réponse du Guichet
Plusieurs citations de Napoléon relativisaient l'importance de la supériorité numérique dans la guerre, même si celui-ci reconnaissait le principe du "triomphe du grand nombre sur le petit".
Bonjour,
Dans l’ouvrage De la guerre, recueil de citations et maximes, extraites de mémoire ou de correspondance de Napoléon concernant la guerre, il existe un chapitre sur la supériorité numérique (p.173-178). Il semble en effet que Napoléon ait critiqué les pratiques de l’époque révolutionnaire qui misaient essentiellement sur la supériorité numérique et qu’«il multiplia les sentences tendant à relativiser le facteur numérique :
Ce n’est pas avec un grand nombre de troupes, mais avec des troupes bien organisées et bien disciplinées, qu’on obtient des succès à la guerre.
(Source: Correspondance de Napoléon Ier publiée par ordre de l’empereur Napoléon III, vol XIII, p. 77: lettre au roi de Naples )
Songez que le nombre de soldats n’est rien, et que ce n’est que lorsque les officiers et les sous-officiers ont la conscience qu’ils manœuvrent qu’on peut attendre quelque chose d’eux. Ce sont les camps de Boulogne, où les corps ont été exercés constamment pendant deux ans, qui m’ont valu les succès de la Grande Armée. (Source: Corresp. vol XIV, p. 161: lettre à Eugène)
Ce ne sont point les hommes que je compte dans mon armée, mais les hommes qui ont de l’expérience et de la valeur. (Source: Corresp. vol XV, p. 189: lettre au roi de Naples)
Car ce n’est pas le nombre des soldats qui fait la force des armées, mais leur fidélité et leurs bonnes dispositions. (Source: Lettres inédites de Napoléon 1er : An VIII-1815 / publiées par Léon Lecestre, p. 97: lettre au landammann de la Suisse )
… la force des Etats consiste à avoir des troupes bonnes et fidèles plutôt que beaucoup de troupes. (Source: Corresp. vol XX, p. 89: lettre à Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles)
Ce n’est donc pas un grand nombre de troupes que vous devez vous appliquer à avoir, mais un petit nombre de bonnes troupes que vous devez former progressivement.(Source: Corresp. vol XXI, p. 102: lettre à Jérôme Napoléon, roi de Westphalie)
Ces affirmations sont à nuancer car il reconnaissait aussi que lorsque les armements et équipements étaient les mêmes dans les deux armées, le nombre pouvait reprendre de son importance.
Il développa aussi un procédé qui consistait à "obtenir la supériorité numérique localement, même quand on ne l’a pas globalement" :
«lorsque avec de moindres forces j’étais en présence d’une grande armée, groupant avec rapidité la mienne, je tombais comme la foudre sur l’une de ses ailes et je la culbutais. Je profitais ensuite du désordre que cette manœuvre ne manquait jamais de mettre dans l’armée ennemie, pour l’attaquer dans une autre partie, toujours avec toutes mes forces. Je la battais ainsi en détail; et la victoire, qui en était le résultat, était toujours, comme vous le voyez, le triomphe du grand nombre sur le petit» (Source: Mémoires de Louis-Jérôme Gohier, p. 204, 1824 )
Voir aussi : Discours de guerre / Napoléon Bonaparte
Loin de Napoléon, la citation qui se rapproche de ce que vous décrivez est celle du stratège chinois Sun Tzu , tirée de son célèbre Art de la guerre, au chapitre VII :
«Ne cherchez pas à avoir une armée trop nombreuse, la trop grande quantité de monde est souvent plus nuisible qu’elle n’est utile. Une petite armée bien disciplinée est invincible sous un bon général. À quoi servaient au roi d’Yue les belles et nombreuses cohortes qu’il avait sur pied, lorsqu’il était en guerre contre le roi de Ou? Celui-ci, avec peu de troupes, avec une poignée de monde, le vainquit, le dompta, et ne lui laissa, de tous ses États, qu’un souvenir amer, et la honte éternelle de les avoir si mal gouvernés… Cependant si vous n’aviez qu’une petite armée, n’allez pas mal à propos vouloir vous mesurer avec une armée nombreuse…».
Voir le texte en ligne et cette version sur Gallica
A la bibliothèque : L’art de la guerre / Sun Tzu