Je cherche de la documentation historique concernant l'occupation romaine dans la grèce du Ie-IIe siècle
Question d'origine :
bonjour. j'aimerais (savoir comment trouver) de la documentation historique concernant l'occupation romaine dans la grèce du plutarque de "sur les sanctuaires dont les oracles ont cessé" (https://remacle.org/bloodwolf/historiens/Plutarque/oracles1.htm), plus précisément si on a une idée de quel type d'occupants étaient les romains en grèce du Ier-IIème siècle ? merci d'avance, et merci plus généralement pour ce guichet. zozefine.
Réponse du Guichet
On trouve des magistrats en mission, les empereurs et membres de la famille impériale en tournée, mais également des individus que leurs affaires ou leurs intérêts poussent vers l’Orient comme des marchands ou des esclaves.
Bonjour,
L’article de Christel Müller, « Les Romains et la Grèce égéenne du Ier s. av. J.-C. au Ier s. apr. J.-C. : un monde en transition ? », (Pallas , 96 | 2014) répond précisément à votre question :
Parmi les Romains qui se rencontrent en Grèce durant les deux siècles avant et après J.-C., on trouve non seulement des magistrats en mission ou bien sûr les empereurs et membres de la famille impériale en tournée, mais également des individus que leurs affaires ou leurs intérêts poussent vers l’Orient.
La première et la plus importante communauté d’Italiens connue est celle de Délos qui connaît un pic d’affluence entre 130 et 70 av. J.-C., autrement dit au début de notre période. Les Italiens sont arrivés dans l’île déjà durant l’indépendance délienne (314-167 av. J.-C.), mais c’est surtout pendant la seconde domination athénienne qu’ils y sont très actifs. La destruction de Corinthe en 146, puis la création de la province d’Asie en 129, sont autant d’éléments qui expliquent la progression démographique de la population italienne du port franc de Délos. Ces Italiens, que les Grecs appellent tantôt des Rhômaioi, tantôt des Italikoi qu’ils soient Romains, Latins ou alliés italiens, sont des negotiatores, c’est-à-dire des marchands qui mènent des activités commerciales bien connues, grâce auxquelles ils entretiennent des liens étroits avec Rome et les ports de Campanie, comme Pouzzoles, Capoue et Pompéi. Il y a parmi eux des ingénus, mais aussi beaucoup d’affranchis et un certain nombre d’esclaves qui trouvent là des occasions d’émancipation statutaire et d’élévation sociale. Ces Italiens ont, par ailleurs, pour caractéristique, à Délos même et en tant que communauté, de s’associer à d’autres groupes comme celui des Athéniens ou des étrangers résidents sur l’île pour ériger des statues en l’honneur d’évergètes locaux ou de personnages plus importants (...) Il est probable qu’après 88, l’essentiel des Italiens et Romains de Délos ne sont en fait pas revenus, même s’il en est resté certains comme en témoigne un document capital, la lex Gabinia Calpurnia de 58 av. J.-C., inscription trouvée à Délos et dispensant de taxes les résidents insulaires. Au milieu du Ier s. av. J.-C., ils étaient désormais dispersés en Grèce égéenne, comme invite à le supposer l’étude de leurs gentilices.Cette dispersion explique que les communautés italiennes présentes sur le continent, en Attique, en Béotie, en Argolide et à Corinthe, commencent véritablement à partir de la 2e moitié du Ier s. av. J.-C., en dehors de la présence antérieure de personnages isolés. La création de la colonie césarienne de Corinthe en 44 av. J.-C. fut certainement un facteur supplémentaire d’ancrage des Italiens sur le continent. On constate, en effet, entre le règne d’Auguste et celui de Néron, que les negotiatores et leurs affranchis formèrent à Corinthe un sous-groupe important au sein de l’ordo decurionum, de même que les esclaves de familles bien connues durant la fin de la République, tandis que les vétérans n’y occupaient qu’une place restreinte. Quant aux notables grecs, ils ne s’engagèrent que fort peu au sein de la colonie avant le règne de Claude. Pour en revenir aux Italiens, l’une des communautés les plus cohérentes est celle que l’on trouve à Thespies en Béotie entre les années 30 av. J.-C. et 30 apr. J.-C. Elle est organisée autour d’un groupe de « Romains qui font du commerce à Thespies », appelés pragmateuomenoi en grec. Une partie de ces Romains se rassemble en 14 apr. J.-C. pour célébrer le nouveau dieu Auguste par la consécration d’un autel : dans cette inscription latine qui comporte 19 noms on perçoit les liens qui se tissent entre Romains et Grecs locaux, puisque cinq personnages associés à la dédicace portent des noms grecs. D’autres liens se nouent par le biais de notables du cru qui font œuvre d’évergétisme à l’égard de la communauté italienne, comme ce Polykratidès qui leur offre un gymnase dans le dernier tiers du Ier s. av. J.-C. Ce Grec est également lié à un magistrat romain célèbre, T. Statilius Taurus, dont la présence en Grèce aux côtés du futur Auguste est bien attestée et qui fut consul pour la 2e fois en 26 av. J.-C. Taurus a visiblement été l’un des bienfaiteurs de la cité béotienne, qui consacre une statue à son épouse Cornelia et instaure un culte en son honneur. Polykratidès dédie aux dieux, en tant que « desservant » d’un culte qui doit être celui de Taurus, une statue de Titus Statilius, son patrôn.
Nous avons là l’attestation de liens de clientèle entre un Grec et un Romain, comme il y en a également entre des magistrats et telle ou telle cité : avant Taurus, Thespies elle-même avait eu pour patron L. Caninius Gallus, tribun de la plèbe en 56 av. J.-C. et présent à Athènes en 51, peut-être en exil, ou encore M. Licinius Crassus, consul en 30 et proconsul de Macédoine en 29/8 av. J.-C. La pratique du patronat, qui fait écho dans l’esprit des Grecs à celles de l’évergétisme et de la proxénie, est attestée dans la province d’Achaïe, quoique avec plus de parcimonie que dans d’autres provinces orientales, particulièrement entre la fin de la République et le règne d’Auguste, après quoi l’institution décline : dans la partie hellénophone de l’Empire (au-delà de la seule Achaïe), 70 patrons de rang sénatorial sont ainsi connus entre 61 av. J.-C. et 14 apr. J.-C. et seulement 15 par la suite. Ce déclin est lié à l’avènement du Principat qui rendit inutile la protection donnée par les sénateurs : désormais les cités s’adressèrent directement à l’Empereur. Ces liens de patronage sont essentiels pour comprendre les rapports complexes qui se tissèrent entre les Romains et Italiens résidents ou de passage et les notables locaux.
Vous trouverez d'autres informations dans les études suivantes, non présentes dans les bibliothèques municipales de Lyon :
La Grèce hellénistique et romaine : d'Alexandre à Hadrien : 336 av. notre ère-138 de notre ère / Gerbert-Sylvestre Bouyssou, Christophe Chandezon, Pierre-Olivier Hochard, sous la direction de Catherine Grandjean, 2024 : "Une histoire de l'expansion du monde grec à partir du IVe siècle av. J.-C., en Egypte, en Syrie, en Mésopotamie et en Asie centrale. Le rôle joué par les Romains dans la transmission de cet héritage est mis en lumière".
Etre citoyen romain dans le monde grec au IIe siècle de notre ère / textes réunis et édités par Gabrielle Frija, 2020 : "Des études sur la diffusion de la citoyenneté romaine au sein des cités grecques durant le IIe siècle, celle-ci coexistant avec les citoyennetés locales. Les contributeurs explorent cette situation inédite durant l'Antiquité et s'interrogent sur les conséquences de la citoyenneté impériale au sein des sociétés grecques".
Par ailleurs, nous vous suggérons la lecture :
Andrea Giardinia,l'homme romain, 2002 : " Une galerie de portraits composée de douze tableaux. Chacun des personnages romains, le citoyen, le prêtre, le soldat, le marchand, est croqué par l'historien d'aujourd'hui qui restitue en même temps les typologies d'hier. Il en ressort une image du romain singulièrement plus complexe que celle d'un petit homme, pas très cultivé mais bon guerrier et efficace constructeur".