Question d'origine :
Y-a-t-il des effets de mode en littérature?-on dirait que lire Proust, Shakespeare, Thomas Mann est bien vu alors que lire des écrivains comme Randall Wallace, Bernard Clavel, Max Gallo, Michel Houellebecq est plutôt mal vu
Réponse du Guichet
Alors que certains auteurs sont bien indémodables, d'autres ne résistent pas au passage du temps.
Bonjour,
Nous ne prendrons pas partie de savoir s’il est «bien vu» ou «mal vu» de lire tel ou tel auteur.
Pour essayer de vous apporter une réponse sur l’existence d’effets de mode dans le domaine de la littérature, nous avons pris comme document d’appui cet étonnant tableau daté de 1962-1963 extrait de l’oeuvre de Robert Escarpit : Le littéraire et le social
On remarque que pour la colonne «Ensemble de la population» les quatre premiers écrivains sont Hugo, La Fontaine, Dumas et Molière. Quel que soit le niveau d’étude des interrogés, Victor Hugo figure dans les quatre premiers écrivains cités. Il fait d’ailleurs de nos jours toujours partie du panthéon des écrivains français. En d’autres termes Victor Hugo ne passe pas de mode.
Pour certains écrivains on ne peut en effet pas parler de mode. Ils étaient lus, sont lus et seront lus ; ils transcendent la mode. Cela est vrai en particulier pour :
«les écrivains et penseurs qui revendiquent une cohérence entre leur oeuvre et leurs engagements: Victor Hugo, George Sand, Emile Zola, André Malraux, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, [...]» (Gisèle Sapiro)
Cela est également le cas des écrivains producteurs de textes devenus des classiques : Molière, Balzac, La Fontaine; Proust, Shakespeare et Tomas Mann en font partie. Sur cette notion de «classique» vous pouvez consulter Qu'est-ce qu’un classique ?
Pour d’autres auteurs on peut évoquer une mode, une tendance, un engouement, forcément limités dans le temps et ce pour diverses raisons. Ainsi que l’énonce Robert Escarpit dans Sociologie de la littérature :
[...] D’autre part, l’éditeur agit sur le public en provoquant des habitudes. Ces habitudes peuvent prendre la forme de modes, de snobismes, voire d’engouements passagers pour la personnalité d’un auteur, ou bien avoir une origine plus profonde et traduire une fidélité à telle forme de pensée, à tel style, à tel type d’ouvrage.
Ainsi en revenant au tableau, on remarque dans les trois colonnes «Ensemble de la population» «Primaires incomplètes» et «Certificat d’études» la présence d’un auteur du nom de P. Kenny, pseudonyme de deux auteurs de romans d’espionnage ; ce nom n’est plus très évocateur aujourd’hui. C’est le cas de très nombreux écrivains de genre, en particulier les auteurs de romans policier ou d’espionnage qui connurent un grand succès de leur vivant ; leurs livres furent des best-seller mais ils sont aujourd’hui peu connus et peu lus.
Pour comprendre les raisons qui poussent les lecteurs à se détourner d’un auteur vous pouvez lire l’essai de Gisèle Sapiro Peut-on dissocier l’oeuvre de l’auteur ? Elle revient en particulier sur le cas Houellebecq mais aussi sur un certain nombre d’écrivains dont les prises de position en faveur du régime nazi avant et/ou durant la seconde guerre mondiale ont participé à leur mise à l’écart de la scène littéraire.
Enfin vous pouvez consulter Pour une esthétique de la réception de H. R. Jauss (le document étant emprunté au moment où nous rédigeons nous n'avons pas pu le consulter).
Bonnes lectures