Manifestation du FIS en 1991
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 29/11/2006 à 20h38
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Question d'origine :
Bonjour,
Les manifestions du FIS après l'arrêt du processus électoral en 1991, ont-elles été pacifiques ou violentes.
Merci
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 02/12/2006 à 15h47
En préambule, une rectification chronologique : c'est l'appel à la grève générale par le FIS qui a conduit au report des élections de 1991 en Algérie, et non l'inverse :
En avril 1991, le Président Chadli a annoncé que les premières élections générales dans le cadre du multipartisme auraient lieu en juin. Le FIS a fait valoir qu'une élection présidentielle devrait être organisée simultanément, ou peu de temps après, et, pour protester contre la loi électorale proposée par le Premier Ministre, M. Mouloud Hamrouche, a suscité une grève de durée illimitée et des manifestations en exigeant la démission du Président Chadli. Des affrontements violents se sont produits face à cette situation, le Président Chadli a décrété l'état d'urgence et reporté la tenue des élections générales. Environ 700 membres et sympathisants du FIS ont été arrêtés, parmi lesquels le Président de ce parti, Abassi Madani, et le Vice-Président, Ali Belhadj. Mouloud Hamrouche a été remplacé par Sid Ahmad Ghozali au poste de Premier Ministre.
source : Département de l'information des Nations-Unies, Rapport Algérie 1997-1998, rédigé par : M. Mário Soares, ancien Président du Portugal (Président); M. I. K. Gujral, ancien Premier Ministre de l'Inde; M. Abdel Karim Kabariti, ancien Premier Ministre et Ministre de la défense de la Jordanie; M. Donald McHenry, ancien Représentant permanent des États-Unis d'Amérique auprès de l'Organisation des Nations Unies; Mme Simone Veil, ancienne Ministre d'État de la France et ancienne Présidente du Parlement européen; et M. Amos Wako, Ministre de la justice du Kenya.
Voici d'autres repères dans cette chronologie de l'Algérie du Monde diplomatique :
1989. Une nouvelle Constitution, qui ouvre la voie au multipartisme, est adoptée par référendum le 23 février. Le Front islamique du salut (FIS), créé le 18 février et dirigé par Abassi Madani et Ali Belhadj, est légalisé en septembre.
1990. Le FIS remporte une large victoire aux élections municipales et régionales du 12 juin, premier scrutin libre depuis l’indépendance. Le général Khaled Nezzar est nommé ministre de la défense en juillet.
1991. Le 23 mai, le FIS appelle à une grève illimitée. Les affrontements entre forces de l’ordre et militants du FIS font des dizaines de morts. Le premier ministre Mouloud Hamrouche, démissionnaire, est remplacé par Sid Ahmed Ghozali le 5 juin. Les élections sont reportées. Abassi Madani et Ali Belhadj sont arrêtés le 30 juin.
1992. Le président Bendjedid, soupçonné de complaisance envers le FIS, est contraint à la démission le 11 janvier et remplacé le 14 par un Haut Comité d’Etat (HCE), dirigé par Mohamed Boudiaf. Le second tour des élections est annulé. Les violences qui s’ensuivent font près de 70 morts. Le HCE proclame l’état d’urgence le 9 février et dissout le FIS le 4 mars. Le 29 juin, Mohamed Boudiaf est assassiné à Annaba. Le 26 août, un attentat à la bombe dans l’aérogare d’Alger, attribué aux islamistes, fait huit morts et une centaine de blessés.
Nous vous engageons par ailleurs à lire cet article de Ancer Ahmed, journaliste à El-Watan : Pourquoi l'Algérie est arrivée à cette tragédie ? Aux origines de la violence en Algérie, qui revient sur les origines du FIS et la tentative de prise de pouvoir de 1991 s'appuyant notamment sur l'instrumentalisation du peuple. En voici un extrait :
(...)
Ce nouvel apport décuple dès 1989, au moment de sa création, les forces du Front Islamique du Salut (FIS) qui radicalise alors les positions de l'ensemble de la mouvance islamiste. Le pouvoir apparaissant à portée de main, les islamistes trahissant leur empressement à le saisir, multiplient exigeances et actions et surtout montrent leur volonté à ne le partager, ni à le céder à personne. Le président du FIS, Abassi Madani disait déjà en 1989: "Nous n'acceptons pas cette démocratie qui permet à un élu d'être en contradiction avec l'islam, la charia, sa doctrine et ses valeurs". (2)
Ali Belhadj :" Il faut tuer ces mécréants"
Ali Benhadj tenait, une année auparavant, un discours plus virulent qui préfigurait déjà ce que serait plus tard la lutte armée : "Le multipartisme est inacceptable du fait qu'il résulte d'une vision occidentale. Si le communisme et le berbérisme s'expriment, ainsi que tous les autres, notre pays va devenir le champ de confrontation d'idéologies diverses en contradiction avec la religion de notre peuple. Il n'y a pas de démocratie parce que la seule source de pouvoir, c'est Allah, à travers le Coran, et non le peuple. Si le peuple vote contre la loi de Dieu, cela n'est rien d'autre qu'un blasphème. Dans ce cas, il faut tuer ces mécréants pour la bonne raison que ces derniers veulent substituer leur autorité à celle de Dieu". (3)
Le FIS sera acculé à la surenchère : d'une part parce que composé presque exclusivement, y compris dans sa direction, par des extrêmistes, d'autre part parce que poussé par cette base populaire se recrutant dans les quartiers pauvres et dans les milieux des classes moyennes, ruinées par les restructurations économiques conçues par les institutions financières internationales et menées par un pouvoir rongé par la corruption et les gaspillages. Il fallait des promesses de solutions, notamment à l'immense problème du chômage. Alors, le discours galvanisait les jeunes, quitte à mettre en cause violemment d'autres catégories, les femmes par exemple: "La femme est productrice des hommes, elle ne produit pas de biens matériels (...). Scientifiquement, il est admis qu'il est impossible à une femme de concilier son travail et ses obligations (...) Je répète que la femme doit rester chez elle et éduquer les hommes". (4)
Les attaques brutales ciblent donc d'abord la société que les islamistes veulent façonner afin de réduire ses capacités de résistance et, éventuellement, de révolte, en prévision de la prise du pouvoir. Des milices dirigées par un membre de la direction du FIS, El Hachemi Sahnouni, font leur apparition et s'attaquent aux débits de boisson alcoolisées, aux milieux des spectacles et de la musique, aux femmes, aux jeunes couples, aux enseignants dans les établissements scolaires. Même les mosquées n'échappent pas à la fièvre, le FIS voulant en récupérer le plus grand nombre pour placer ses prêcheurs et y organiser des quêtes afin de récolter des fonds. l'intolérance, fréquemment accompagnée de violence, s'installe et semble d'ores et déjà durable. En 1989 déjà, une femme, accusée d'être une prostituée, est brûlée vive avec son bébé dans son modeste habitat situé dans un quartier pauvre de la grande ville saharienne Ouargla. En 1990, les incidents se multiplient durant le ramadhan (le mois de jeûne des musulmans) Alger, Blida, Tlemcen, Bou Saada, et Ghardaïa sont touchées. Les autorités laissent faire, même si le conseil du gouvernement consacre le 16 avril une séance de travail à la violence. Les services de renseignement de Chadli savaient-ils que le FIS avait, dès 1990, entrepris de reconstituer dans la clandestinité les groupes armés ? Probablement, parce que sur une échelle aussi large, l'action clandestine était impossible à préserver, sans compter que des formations para-militaires feront leur apparition dans des démonstrations de rue organisées par le parti intégriste lorsque éclate le conflit du Golfe. Sous prétexte de porter secours au peuple irakien, le FIS demande des armes et des camps d'entraînement. Parallèlement, et en prévision des élections municipales, il vole de surenchère en surenchère en mettant le pouvoir sous pression par des actions musclées destinées aussi à rallier la population.
Le F.L.N s'enffondre, le F.I.S prend place
Un proverbe dit que "les Algériens se mettent à côté du mur qui reste debout", c'est-à-dire sous la protection du plus fort et, le FIS entreprendra tout pour apparaitre comme le mur le plus solide. La stratégie réussit. Le FLN s'effondre. Les résultats électoraux donnent, en juin 1990 plus de 50% des communes et les deux tiers des assemblées de wilaya au parti islamiste qui reconduira la même démarche en prévision des législatives qu'il veut maintenant anticipées. "Il (le FIS) était divisé sur l'opportunité de respecter la légalité institutionnelle et de participer aux élections. Les activistes (tendance Ali Benhadj), pressés d'en découdre avec le régime - ils avaient organisé des attentats bien avant les élections de décembre 1991, et donc avant la dissolution du FIS en avril 1992 -, considéraient que les élections étaient un piège pour écarter le FIS du pouvoir et que celui-ci devait être conquis par la violence (émeutes, insurrections, guerilla...)". (5).
Les 856 communes qu'il arrache en juin 1990, seront un formidable levier pour la création de cette force para-militaire d'appoint destinée à la prise du pouvoir sans passer par les urnes. Cherchant dorénavant à anesthésier par la peur tous les acteurs politique en vue de la réalisation de son plan de prise du pouvoir, le FIS élargit ses attaques aux autres partis politiques: "Je ne respecte ni les lois, ni les partis qui n'ont pas le Coran. Je les piétine sous mes pieds. Ces partis doivent quitter le pays. Ils doivent être réprimés". (6)
El Hachemi Sahnouni renchérit lors d'un meeting à Sétif: "En cas de majorité aux prochaines législatives, nous suspendons la constitution, nous interdisons la partis laïques et socialistes, nous appliquons immédiatement la chari'a, nous expulsons immédiatement le président de la République". (7)
Aussi, les mêmes scènes de rue se répètent lors de la grève politique de juin 1991 à la veille des législatives (reportée ensuite à décembre). Le déclenchement des manifestations a pris pour prétexte la révision des lois électorales sur lesquelles le chef du gouvernement Hamrouche comptait pour redresser la barre au profit d'un FNL plutôt sonné. Le FIS exige, contradictoirement, des élections présidentielles anticipées et la mise sur pied immédiate de "la république islamique sans vote", slogan principal des manifestants qui occupent par milliers, durant plusieurs jours les rues et les places centrales des grandes villes. Le FIS venait, en fait, de tenter de prendre le pouvoir par la voie insurectionnelle. L'armée intervient contre l'avis du président de la République, évacue les insurgés et déloge le chef du gouvernement Hamrouche qui est remplacé par Ghozali. Le renvoi des élections à plus tard ( deux ou trois années) serait intervenu à ce moment si le clan Chadli n'avait pas pour intention déjà de s'allier aux islamistes (c'est contre son gré et celui de son chef du gouvernement que s'était opérée l'intervention de l'armée contre le FIS) dans une solution à la soudanaise qu'il ne révèlera d'ailleurs qu'au lendemain des élections en affirmant qu'il était prêt à accepter la cohabitation avec Abassi Madani. (...)
2. Abassi Madani, in l'hebdomadaire, "Algérie Actualités" du 24 décembre 1989.
3-4. Ali Benhadj, Interview in "Horizons" (Alger) du 23 février 1989.
5-6. Ali Belhadj, meeting à Koléa, Alger Républicain du 05 avril 1991.
7. Cité dans El Watan du 04 août 1991.
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