1er jour de l'année, au Moyen Age
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 18/06/2016 à 08h55
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Question d'origine :
Bonjour,
J'ai cru comprendre qu'au Moyen Age, l'année commençait le jour de Pâques. Est-ce exact ?
Plus précisément, est-il vrai que le lendemain du 15 avril 1255 , par exemple, a été le 16 avril... 1256 , jour de Pâques cette année-là ?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 20/06/2016 à 09h47
Bonjour,
Voici les informations que nous trouvons dans le Petit lexique des fêtes religieuses et laïques :
Le début de l’année a été sujet à de très nombreuses variations au cours des siècles. On compte au moins, pour le calendrier julio-grégorien – le calendrier occidental -, huit dates différentes. Le choix de cette date revient au roi Numa Pompilius qui régna à Rome entre le VIIIe et le VIIe siècle avant notre ère ! Les autres dates furent le 25 décembre, Pâques, le 25 mars, le 1er avril. C’est à cause du choix, pendant le Moyen Age, du 25 mars, jour de l’Annonciation et donc de l’Incarnation de Jésus, que l’on parle de l’an de l’Incarnation. La date du 1er janvier fut arrêtée par l’édit de Roussillon pris le 9 août 1564 par Charles IX. Cet édit prit effet le 1er janvier 1567.
La revue Historia apporte quelques précisions sur les dates successives du nouvel an :
En France, la date officielle du commencement de l'année varie au cours des siècles. Sous les Mérovingiens, le Premier de l'an est célébré le 1er mars ; sous les Carolingiens, à Noël ; et sous les Capétiens, le 25 mars. Au XIe siècle, il est, sous l'influence de l'Église, transféré au Samedi saint. C'est au XVe siècle, le 9 août 1564, que Charles IX, par l'édit de Roussillon Isère, fixe le 1er janvier comme premier jour du premier mois de l'année. L'article 39 annonce : « Voulons et ordonnons qu'en tous actes, registres, instruments, contracts, ordonnance, dicts tant patentes que missives, et toute escripture privée, l'année commence dorénavant et soit comptée du premier jour de ce moys de janvier. »
Pâques étant une date mobile, son choix pour la date du début d’année n’était pas sans poser quelques problèmes. Et pour ajouter encore à la confusion, selon les régions, ou même au sein d’une même ville, le nouvel an pouvait être fêté à des dates différentes selon le style choisi (c’est-à-dire la manière de compter les années) :
style de Pâques : l’année commence la veille ou le jour de Pâques. Pâques étant une fête mobile comprise entre le 22 mars et le 25 avril (35 jours), les années sont donc de taille inégale, de 330 à 400 jours.
C’est donc le style le plus incommode d’emploi. Une même année peut ainsi comporter deux fois le mois de mars (et donc deux dates identiques pour une même année !). Dans ce cas les scribes prennent parfois la peine de préciser dans la dation « avant Pâques » ou « après Pâques ».
Il est donc courant d’avoir à restituer dans un acte la bonne année.
Malheureusement il est très rare que le style utilisé soit expressément mentionné dans l’acte (c’est surtout le cas dans les régions frontières entre plusieurs styles ou lorsqu’on utilise un style minoritaire dans une région), il faut donc connaître les différents styles ayant eu cours dans une région donnée en fonction des époques, lorsqu’une étude spécifique a été menée, ce qui est loin d’être le cas partout, des chancelleries ou des juridictions concernées (dans une même ville le style adopté par une juridiction royale peut différer de celui de l’administration communale par exemple).
La confusion est telle que le lecteur contemporain ne peut parfois pas déterminer le style employé. On parle ainsi parfois de style de printemps lorsqu’on ne sait si le scribe utilise le style de l’Annonciation, le style de Pâques ou du 1er avril (utilisé dans la région toulousaine).
Car dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres à cette époque il n’y a aucune unité, du moins pendant une bonne partie du Moyen Age.
La territorialisation des styles n’est pas effective avant la fin du XIIIe siècle et le début du siècle suivant, ce qui n’empêche nullement l’existence d’enclaves, d’exceptions, de changements...
Cette variation de styles, si déroutante à nos yeux, n’avait sans doute rien de choquant pour les contemporains. La plupart d’entre eux en effet ne se souciaient nullement du millésime, une affaire de spécialistes (notaires en premier lieu), mais se repéraient dans le temps long à l’aide d’événements marquants. C’est en fait la multiplication des actes dans la société, l’émergence d’une culture de l’écrit, qui a imprégné le monde occidental d’une vision « millésimée » du temps pour reprendre les conclusions d’Olivier Guyotjeannin et Benoît-Michel Tock (« Mos presentis patrie. Les styles de changement du millésime dans les actes français (XIe-XVIe siècles) » dans Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 157, 1999, p. 66).
Source : Le temps qui passe…, Archives départementales d’Indre et Loire
Bonne journée.
Voici les informations que nous trouvons dans le Petit lexique des fêtes religieuses et laïques :
Le début de l’année a été sujet à de très nombreuses variations au cours des siècles. On compte au moins, pour le calendrier julio-grégorien – le calendrier occidental -, huit dates différentes. Le choix de cette date revient au roi Numa Pompilius qui régna à Rome entre le VIIIe et le VIIe siècle avant notre ère ! Les autres dates furent le 25 décembre, Pâques, le 25 mars, le 1er avril. C’est à cause du choix, pendant le Moyen Age, du 25 mars, jour de l’Annonciation et donc de l’Incarnation de Jésus, que l’on parle de l’an de l’Incarnation. La date du 1er janvier fut arrêtée par l’édit de Roussillon pris le 9 août 1564 par Charles IX. Cet édit prit effet le 1er janvier 1567.
La revue Historia apporte quelques précisions sur les dates successives du nouvel an :
En France, la date officielle du commencement de l'année varie au cours des siècles. Sous les Mérovingiens, le Premier de l'an est célébré le 1er mars ; sous les Carolingiens, à Noël ; et sous les Capétiens, le 25 mars. Au XIe siècle, il est, sous l'influence de l'Église, transféré au Samedi saint. C'est au XVe siècle, le 9 août 1564, que Charles IX, par l'édit de Roussillon Isère, fixe le 1er janvier comme premier jour du premier mois de l'année. L'article 39 annonce : « Voulons et ordonnons qu'en tous actes, registres, instruments, contracts, ordonnance, dicts tant patentes que missives, et toute escripture privée, l'année commence dorénavant et soit comptée du premier jour de ce moys de janvier. »
Pâques étant une date mobile, son choix pour la date du début d’année n’était pas sans poser quelques problèmes. Et pour ajouter encore à la confusion, selon les régions, ou même au sein d’une même ville, le nouvel an pouvait être fêté à des dates différentes selon le style choisi (c’est-à-dire la manière de compter les années) :
style de Pâques : l’année commence la veille ou le jour de Pâques. Pâques étant une fête mobile comprise entre le 22 mars et le 25 avril (35 jours), les années sont donc de taille inégale, de 330 à 400 jours.
C’est donc le style le plus incommode d’emploi. Une même année peut ainsi comporter deux fois le mois de mars (et donc deux dates identiques pour une même année !). Dans ce cas les scribes prennent parfois la peine de préciser dans la dation « avant Pâques » ou « après Pâques ».
Il est donc courant d’avoir à restituer dans un acte la bonne année.
Malheureusement il est très rare que le style utilisé soit expressément mentionné dans l’acte (c’est surtout le cas dans les régions frontières entre plusieurs styles ou lorsqu’on utilise un style minoritaire dans une région), il faut donc connaître les différents styles ayant eu cours dans une région donnée en fonction des époques, lorsqu’une étude spécifique a été menée, ce qui est loin d’être le cas partout, des chancelleries ou des juridictions concernées (dans une même ville le style adopté par une juridiction royale peut différer de celui de l’administration communale par exemple).
La confusion est telle que le lecteur contemporain ne peut parfois pas déterminer le style employé. On parle ainsi parfois de style de printemps lorsqu’on ne sait si le scribe utilise le style de l’Annonciation, le style de Pâques ou du 1er avril (utilisé dans la région toulousaine).
Car dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres à cette époque il n’y a aucune unité, du moins pendant une bonne partie du Moyen Age.
La territorialisation des styles n’est pas effective avant la fin du XIIIe siècle et le début du siècle suivant, ce qui n’empêche nullement l’existence d’enclaves, d’exceptions, de changements...
Cette variation de styles, si déroutante à nos yeux, n’avait sans doute rien de choquant pour les contemporains. La plupart d’entre eux en effet ne se souciaient nullement du millésime, une affaire de spécialistes (notaires en premier lieu), mais se repéraient dans le temps long à l’aide d’événements marquants. C’est en fait la multiplication des actes dans la société, l’émergence d’une culture de l’écrit, qui a imprégné le monde occidental d’une vision « millésimée » du temps pour reprendre les conclusions d’Olivier Guyotjeannin et Benoît-Michel Tock (« Mos presentis patrie. Les styles de changement du millésime dans les actes français (XIe-XVIe siècles) » dans Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 157, 1999, p. 66).
Source : Le temps qui passe…, Archives départementales d’Indre et Loire
Bonne journée.
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