Question d'origine :
J'aimerais savoir si un serf en fuite aurait pu profiter du droit d'asile en se réfugiant dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, aux alentours de 1185-1186 ? Aurait-il dû demander d'abord une permission ou aurait-il pu s'y précipiter de lui-même ? Combien de temps aurait-il pu rester à l'intérieur ? Aurait-il pu y être ravitaillé ?
Merci beaucoup pour vos réponses !
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 06/10/2020 à 14h59
Bonjour,
Nous avions déjà essayé de répondre à vos interrogations sur le droit d’asile des serfs au XIIe siècle dans votre précédente question sur les serfs en fuite au Moyen Age.
Nos recherches sur votre question sur la condition d’un serf réfugié dans l’enceinte de Notre-Dame aux alentours de 1185 n’ont, hélas, que peu abouties..Pour autant voici quelques éléments de réponses relevés ici et là.
Un article de Charles De Beaurepaire paru 1854 intitulé « Essai sur l'asile religieux dans l'empire romain et la monarchie française » nous informe dans un premier temps sur le discours religieux autour du droit d’asile au Moyen Age après l’an mil :
Ce fut le concile de Tuluges (1041), qui le premier proclama positivement, non point la paix, mais la trêve de Dieu. Il commença par confirmer le droit d'asile, et défendit de violer les églises et les maisons qui étaient ou seraient élevées dans leur circuit, jusqu'aux limites ecclésiastiques, c'est à- dire jusqu'aux trente pas qui, depuis longtemps et en vertu de dispositions maintes fois renouvelées, jouissaient de l'immunité et qui s'appelaient passus ecclesiastici ou dextri. Le concile de Lillebonne de l'année 1080 conservait aux églises de Normandie l'étendue de cimetière qu'elles avaient du temps du duc Robert, et décidait que, lorsqu'on en construirait de nouvelles dans la campagne, le cimetière aurait cinq perches. D'après une décrétale de Nicolas Ier (en 1059), une église cathédrale (major eccřesťa), n'avait pas moins de quarante pas d'immunité.
Plus loin dans le texte nous en apprenons un peu plus sur la condition des réfugiés :
On trouve dans les Registres capitulaires de Notre-Dame de Paris, des mentions fréquentes du lieu affecté aux réfugiés. Il s'appelait la Crastine et se trouvait dans une des tours de la cathédrale. Mais comme ce logement n'offrait point, à beaucoup près, toutes les commodités désirables, il arrivait parfois que le réfugié, quand il présentait des garanties, obtenait la permission d'habiter les chambres des marguilliers, auxquels était confiée la garde de l'église.
Ce lieu, comme toute la cathédrale de Paris, dépendait de la juridiction du chapitre; c'était le chapitre, en conséquence, qui se chargeait de la défense des réfugiés, de leur nourriture, quand ils étaient pauvres, de leur sépulture, s'ils venaient à y mourir.
Cet extrait semble laisser entendre que les réfugiés étaient ravitaillés en nourriture et que l’autorité référente au sein de la cathédrale était celle du chapitre.
Sur la juridiction de la cathédrale nous vous renvoyons à la lecture de l’article suivant :
Évêque de Paris et chapitre de Notre-Dame : la juridiction dans la cathédrale au Moyen Âge par Pierre-Clément Timbal et Josette Metman paru dans la Revue d'histoire de l'Église de France en 1964. En voici un passage :
A Notre-Dame de Paris, comme dans bien d’autres cathédrales la cohabitation entre l’évêque et le Chapitre soulevait, au Moyen âge, de nombreuses difficultés. Le service divin devait les unir et leurs statuts respectifs établissaient entre eux les liens d'une souhaitable harmonie : le Chapitre élisait l'évêque et recevait son serment de fidélité; l'évêque désignait les chanoines et installait le doyen qu'ils avaient élu. L'émulation dans l'accomplissement de fonctions qui s'exerçaient en un même lieu allait cependant se traduire fatalement en concurrence et celle-ci dégénérer trop souvent en conflit.
Le Chapitre n'en chercha pas moins, tout au long du Moyen âge, à se faire reconnaître comme le véritable maître de l'église et la lente progression de son autorité ne fut sérieusement mise en question que lorsque le siège épiscopal fut occupé par des prélats énergiques, voire autoritaires : Etienne Tempier, au XIIIme siècle, Guillaume de Chanac et Pierre d'Orgemont, au XIVe, essayèrent de marquer un coup d'arrêt, mais la constance de son effort assura le succès du Chapitre.
D'autres articles en ligne pourraient également susciter votre curiosité sur des sujets connexes :
- Un dossier juridique sur le droit d'asile à l'époque carolingienne
- Un article sur les "serfs d'asile habilités à témoigner en justice " par Pierre Petot, paru dans les Cahiers de Civilisation Médiévale en 1960
Ainsi qu’une autre réponse du guichet sur le droit d'asile dans les églises et quelques références bibliographiques :
- Naissance du droit d'asile: IVe - milieu du Ve s / Anne Ducloux
- La mutation féodale : Xe-XIIe siècles / Jean-Pierre Poly, Eric Bournazel
Bonnes lectures
Nous avions déjà essayé de répondre à vos interrogations sur le droit d’asile des serfs au XIIe siècle dans votre précédente question sur les serfs en fuite au Moyen Age.
Nos recherches sur votre question sur la condition d’un serf réfugié dans l’enceinte de Notre-Dame aux alentours de 1185 n’ont, hélas, que peu abouties..Pour autant voici quelques éléments de réponses relevés ici et là.
Un article de Charles De Beaurepaire paru 1854 intitulé « Essai sur l'asile religieux dans l'empire romain et la monarchie française » nous informe dans un premier temps sur le discours religieux autour du droit d’asile au Moyen Age après l’an mil :
Ce fut le concile de Tuluges (1041), qui le premier proclama positivement, non point la paix, mais la trêve de Dieu. Il commença par confirmer le droit d'asile, et défendit de violer les églises et les maisons qui étaient ou seraient élevées dans leur circuit, jusqu'aux limites ecclésiastiques, c'est à- dire jusqu'aux trente pas qui, depuis longtemps et en vertu de dispositions maintes fois renouvelées, jouissaient de l'immunité et qui s'appelaient passus ecclesiastici ou dextri. Le concile de Lillebonne de l'année 1080 conservait aux églises de Normandie l'étendue de cimetière qu'elles avaient du temps du duc Robert, et décidait que, lorsqu'on en construirait de nouvelles dans la campagne, le cimetière aurait cinq perches. D'après une décrétale de Nicolas Ier (en 1059), une église cathédrale (major eccřesťa), n'avait pas moins de quarante pas d'immunité.
Plus loin dans le texte nous en apprenons un peu plus sur la condition des réfugiés :
On trouve dans les Registres capitulaires de Notre-Dame de Paris, des mentions fréquentes du lieu affecté aux réfugiés. Il s'appelait la Crastine et se trouvait dans une des tours de la cathédrale. Mais comme ce logement n'offrait point, à beaucoup près, toutes les commodités désirables, il arrivait parfois que le réfugié, quand il présentait des garanties, obtenait la permission d'habiter les chambres des marguilliers, auxquels était confiée la garde de l'église.
Ce lieu, comme toute la cathédrale de Paris, dépendait de la juridiction du chapitre; c'était le chapitre, en conséquence, qui se chargeait de la défense des réfugiés, de leur nourriture, quand ils étaient pauvres, de leur sépulture, s'ils venaient à y mourir.
Cet extrait semble laisser entendre que les réfugiés étaient ravitaillés en nourriture et que l’autorité référente au sein de la cathédrale était celle du chapitre.
Sur la juridiction de la cathédrale nous vous renvoyons à la lecture de l’article suivant :
Évêque de Paris et chapitre de Notre-Dame : la juridiction dans la cathédrale au Moyen Âge par Pierre-Clément Timbal et Josette Metman paru dans la Revue d'histoire de l'Église de France en 1964. En voici un passage :
A Notre-Dame de Paris, comme dans bien d’autres cathédrales la cohabitation entre l’évêque et le Chapitre soulevait, au Moyen âge, de nombreuses difficultés. Le service divin devait les unir et leurs statuts respectifs établissaient entre eux les liens d'une souhaitable harmonie : le Chapitre élisait l'évêque et recevait son serment de fidélité; l'évêque désignait les chanoines et installait le doyen qu'ils avaient élu. L'émulation dans l'accomplissement de fonctions qui s'exerçaient en un même lieu allait cependant se traduire fatalement en concurrence et celle-ci dégénérer trop souvent en conflit.
Le Chapitre n'en chercha pas moins, tout au long du Moyen âge, à se faire reconnaître comme le véritable maître de l'église et la lente progression de son autorité ne fut sérieusement mise en question que lorsque le siège épiscopal fut occupé par des prélats énergiques, voire autoritaires : Etienne Tempier, au XIIIme siècle, Guillaume de Chanac et Pierre d'Orgemont, au XIVe, essayèrent de marquer un coup d'arrêt, mais la constance de son effort assura le succès du Chapitre.
D'autres articles en ligne pourraient également susciter votre curiosité sur des sujets connexes :
- Un dossier juridique sur le droit d'asile à l'époque carolingienne
- Un article sur les "serfs d'asile habilités à témoigner en justice " par Pierre Petot, paru dans les Cahiers de Civilisation Médiévale en 1960
Ainsi qu’une autre réponse du guichet sur le droit d'asile dans les églises et quelques références bibliographiques :
- Naissance du droit d'asile: IVe - milieu du Ve s / Anne Ducloux
- La mutation féodale : Xe-XIIe siècles / Jean-Pierre Poly, Eric Bournazel
Bonnes lectures
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